Proposer plus d’espaces verts aux citadins, oui, mais par où commencer ? Les nouvelles technologies appliquées aux SIG ont peut-être la clé.

La végétation en ville est souvent assimilée à celle des espaces publics : parcs, parterres de fleurs, alignements d’arbres. Pourtant, une grande partie de la végétation urbaine se trouve dans les espaces privés. Haies de délimitation, arbustes, arbres fruitiers, les propriétés privées regorgent de végétaux qui ne sont pas comptabilisés dans les inventaires, faute de données. Néanmoins, des outils existent pour évaluer l’entièreté du patrimoine arboré d’un territoire et suivre son évolution.

En 2020, selon l’INSEE, la France comptait 53 millions de citadins soit plus de 75% de la population. Ce chiffre pourrait être revu à la baisse dans les prochaines années. En effet, si vivre en ville offre de nombreux avantages, la vie urbaine peut aussi s’avérer être une source de stress et générer des problèmes de santé. Les citadins fuient de plus en plus la ville pour trouver un équilibre à la campagne dans un environnement plus calme et sain. Les risques sanitaires, l’inconfort en période de chaleur et la récente crise sanitaire ne font qu’accélérer cet exode urbain. Les grandes agglomérations doivent s’adapter et établir les caractéristiques de la ville de demain pour garantir une qualité de vie agréable aux citadins en protégeant la biodiversité environnante. Pour apporter un nouveau souffle à nos villes, végétaliser davantage et mieux nos espaces est crucial.

Cesson-Sévigné : Identification de la végétation par intelligence artificielle
Cartographie de la végétation Cesson-Sévigné – Source : KERMAP ®

La ville : un espace artificialisé sensible

Les villes sont généralement des espaces très minéralisés : voirie, infrastructures, zones industrielles et habitations laissent souvent peu de place à la végétation. Cette carence pose différents problèmes, notamment l’augmentation des volumes d’eau de ruissellement. Cela induit directement des risques de crues, une faible infiltration de l’eau et une augmentation de la dispersion et de la concentration des particules polluantes. Ces espaces sont souvent composés de revêtements poreux aux couleurs sombres avec des albédos peu élevés. Le ratio de lumière réfléchie par rapport à la lumière incidente est faible. Autrement dit, les surfaces emmagasinent de l’énergie le jour et la restitue sous forme de chaleur la nuit. Cela contribue à l’élévation des températures de surface et de l’air. Ce phénomène a pour conséquence le maintien de températures élevées la nuit ralentissant le rafraîchissement de la ville. Ces îlots de chaleur créent des différences de température significatives entre le centre-ville et la périphérie incommodant l’ensemble de ses habitants.

L’architecture des villes comme la hauteur des édifices et la configuration des rues peut freiner le passage de l’air créant des masses d’air chaudes. De surcroît, la densité urbaine et la concentration des transports participent à l’augmentation de la pollution et de sa condensation qui, elle-même, augmente l’effet de chaleur.

Le manque de végétation en ville engendre de nombreuses conséquences qui nuisent à l’homme comme à la biodiversité. D’un point de vue écologique et sanitaire, il est aujourd’hui évident de modifier nos villes en y intégrant les enjeux climatiques, économiques et sociétales actuels.

Pourquoi végétaliser nos villes ?

Un climat plus doux

Comment la couverture végétale influence-t-elle le climat urbain ? Pourquoi avez-vous moins chaud sous un arbre que sous un parasol ? Plusieurs phénomènes participent au rafraîchissement du climat. Tout d’abord, l’ombre projetée par les arbres réduit le passage des rayonnements solaires ce qui a pour effet la baisse des températures de surface, et aussi des bâtiments. Bien placés, ils peuvent améliorer l’isolation du bâti, réduisant ainsi la consommation d’énergie. Pour se développer, la végétation absorbe une partie de la lumière incidente pour la transformer en énergie et en renvoie une autre partie. Selon les variétés présentes, une forêt peut réfléchir jusqu’à 20% de la lumière incidente.

Autre phénomène : l’évapotranspiration désigne le mécanisme par lequel l’atmosphère reçoit de l’eau provenant de la transpiration des plantes et de l’évaporation des sols. La chaleur latente de vaporisation représente la quantité de chaleur nécessaire à la transformation d’une matière d’un état liquide à gazeux. Selon la température de la matière, ici de l’eau, la chaleur latente varie. Plus l’eau est chaude, plus le mécanisme est rapide. En s’évaporant, l’eau humidifie l’air et rafraîchit l’atmosphère. On observe facilement ce phénomène dans les grandes forêts où l’évaporation de l’eau est si forte que l’on voit apparaître des volumes d’eau sous forme de vapeur appelées « rivières volantes ». Véritables climatiseurs naturels, les arbres permettent de réduire le phénomène urbain des îlots de chaleur.

Carte des îlots de chaleur à Rennes
Thermographie des îlots de chaleur de l’Agglomération de Rennes (Méthode des LCZ) – Source : KERMAP ®

A gauche de l’image : la cartographie de la végétation établie à partir de l’analyse de l’occupation du sol (MOS). A droite de l’image : la thermographie réalisée à partir d’images satellitaires. Elle identifie les îlots de chaleur et de fraîcheur urbains (ICU) à l’échelle d’une ville ou d’un quartier permettant ainsi d’en connaître l’origine.

Un air plus respirable

Lors de la photosynthèse, les arbres absorbent le CO², l’un des principaux gaz à effet de serre et libèrent de l’O² nécessaire à notre organisme. Ce sont aussi d’excellents filtres contre les particules fines et les oxydes d’azotes dégagés par les moteurs. Ces particules sont des facteurs de risques sanitaires notamment pour les poumons et les maladies cardio-vasculaires.

Cependant, si les feuilles captent des particules, elles en rejettent aussi. Les arbres libèrent des composés organiques volatiles (COV) dont des hydrocarbures comme l’isoprène. Sous les rayonnements du soleil, et au contact des oxydes d’azote présents dans l’atmosphère, l’isoprène se transforme en ozone. Important dans la stratosphère pour protéger des rayons ultraviolets nocifs, il devient polluant lorsqu’il se trouve dans les basses couches de l’atmosphère (troposphère) provoquant gêne respiratoire et irritation. Prudence donc quant aux choix et emplacements des différentes variétés.

Par le sol, les arbres peuvent aussi filtrer les polluants d’origine citadine et agricole. Par exemple, les haies et talus, principaux éléments du paysage bocager sont constitués de végétaux qui absorbent et filtrent par leurs racines les polluants, évitant ainsi leur propagation dans l’eau.

Une biodiversité protégée

L’arbre est un biotope. C’est un milieu aux propriétés biologiques homogènes qui abrite différentes espèces : animaux, végétaux, champignons et micro-organismes. Son rôle est fondamental dans la lutte contre l’extinction d’espèces. Le réchauffement climatique, la destruction du lieu de vie et la pollution font partie des principaux facteurs à l’origine de la disparition d’espèces. Sa fonction n’est plus à prouver dans la lutte contre les changements climatiques. Lieu de vie, de nidification et d’approvisionnement en nourriture, il offre sa protection à de nombreuses espèces. Même mort, un arbre continue de faire vivre des insectes et d’abriter des animaux comme les oiseaux de nuit.

Une nouvelle façon de vivre la ville

Purification de l’air, amélioration de la qualité de l’eau, climatiseurs naturels, les effets de la forêt sur notre santé physique sont bien présents. Et les arbres n’ont pas fini de nous surprendre… Avez-vous déjà ressenti lors d’une balade en forêt un sentiment de quiétude, d’apaisement ? Probablement. Ce phénomène aurait une explication scientifique. En effet, les arbres libèrent des phytoncides. D’origine japonaise, la sylvothérapie ou thérapie par les arbres tend à démontrer que ces molécules auraient des vertus sur la diminution du stress et l’amélioration de nos défenses immunitaires. Parfois réfutée, cette thérapie est pourtant en plein essor en Europe. Ce qui est certain, c’est que ces espaces de détente et de promenade régénèrent et offrent des moments de sérénité dans une vie parfois trop rythmée.

Quelle place pour l’arbre en ville ? Le témoignage d’Emmanuel Bouriau

Jusqu’où peut être appliquée la technologie dans l’élaboration des aménagements, c’est l’une des interrogations d’Emmanuel Bouriau, responsable du pôle environnement et du pôle numérique à l’Agence de l’Urbanisme et de Développement Intercommunal de l’Agglomération Rennaise (AUDIAR).

Depuis 2018, KERMAP travaille avec la métropole de Rennes et, indirectement avec l’AUDIAR. KERMAP a produit pour les millésimes 2014 et 2017 une cartographie très haute résolution de la végétation de la trame urbaine de la métropole de Rennes. Présentées en trois classes : arborée, arbustive et herbacée, les cartographies ont été réalisées à partir d’orthophotographies et d’une reconstruction photogrammétrique afin de connaître la hauteur des végétaux.

Identification fine de la végétation à Rennes : image aérienne du parc du Thabor
Cartographie de la végétation à Rennes, Parc du Thabor – Source : KERMAP ®

Ces documents permettent d’avoir une vision complète de la végétation du territoire et de connaître l’évolution de celle-ci sur 3 ans. L’indice de végétation perçue donne quant à lui un pourcentage objectif de la végétation vue par un passant se promenant dans les rues rennaises. Utile pour connaître la perception des habitants sur la végétalisation d’un quartier ou d’une rue, il facilite aussi la compréhension des attentes des citoyens.

Pour Emmanuel Bouriau, le potentiel des SIG ne cesse de s’accroître et contribue à l’augmentation des possibilités d’analyses. Montées en bases par l’AUDIAR, les données récoltées sont traitées et enrichies en interne. Outils de mesures, des ratios sont créés afin de pouvoir comparer les communes entre elles. C’est aussi «un moyen d’échanger avec la métropole et de nourrir l’urbanisme». Concrètement, les données peuvent servir au suivi du PLUi, à l’établissement de politiques sectorielles ou encore amener à une réflexion sur la canopée à l’échelle du climat. Loin d’être limitées, les données peuvent être étendues à de nombreux usages et s’adapter aux caractéristiques des territoires permettant des diagnostics à grandes échelles personnalisés.

Aménagement urbain de Rennes dans les prochaines années : à quoi faut-il s’attendre ? Tout d’abord, à une meilleure prise en compte de la nature en ville et de la biodiversité. On peut l’illustrer par des projets comme celui des Prairies Saint Martin, véritable parc naturel en plein cœur de la ville. Cependant, M. Bouriau précise que cette évolution se fait dans le temps, couplant l’intervention publique et privée. Il n’y a pas de maîtrise directe sur les acteurs privés et leurs propriétés. Pour construire les villes de demain, il faudra du temps pour réaménager les infrastructures, revoir nos modes de vie et parvenir à faire accepter ces changements.

Connaître et quantifier de façon très fine la végétation d’un territoire, c’est possible ! Nos technologies et services peuvent vous fournir les indicateurs qui vous manquent pour orienter votre gouvernance verte, parlons-en !